« On pourrait penser que l’innovation, la vraie, celle qui disrupte, se concentre autour des très grandes métropoles, là où tout semble possible. Mais l’innovation est partout, tout le temps. En Normandie, c’est une réalité », explique Karine Bourguignon.
L’innovation, elle connaît bien. Trente ans de carrière au sein du groupe Crédit Agricole, dont de nombreuses expériences auprès des entrepreneurs, au sein de FIRECA (le Fonds d’Investissement et de REcherche du Crédit Agricole), lors de son passage à Crédit Agricole SA ou encore au sein de CATS, sa filiale technologique. Normande d’adoption depuis deux ans, elle dirige la Caisse régionale de Crédit Agricole Normandie-Seine, présente sur les territoires de l’Eure et de la Seine-Maritime. Sa vision : une innovation utile, vivante, portée par l’humain.
Une Normandie ouverte sur le monde
« Nous avons une région à triple compétence, avec un tissu industriel dense, une recherche de pointe et un réseau actif de startups qui font de notre territoire un terreau propice pour innover. C’est aussi un pôle d’attractivité grâce à une position géographique stratégique, avec un des axes maritimes les plus fréquentés, une réelle capacité à attirer les investissements et un esprit régional fort », souligne Karine Bourguignon.
À son arrivée, elle a été surprise par des filières d’excellence innovantes comme l’aéronautique, l’énergie, mais aussi par les centres de recherche et de technologie et la santé, confie-t-elle. Par exemple, l’industrie représente 19 % du PIB de la Normandie, contre environ 11 % au niveau national.
L’humain d’abord… la technologie ensuite !
Pour Karine Bourguignon, « l’innovation n’est pas qu’une affaire de technologie, ce sont les hommes et les femmes – dans leur laboratoire, dans nos champs, dans les ateliers, sur le terrain – qui transforment et réinventent notre quotidien. Ce n’est pas qu’une affaire de technologie. Ce sont sur ces personnes que je trouve intéressant de miser ». Elle cite notamment Veragrow, une startup normande qui élève… 25 millions de vers de terre pour produire des intrants naturels à partir de déchets organiques. Fondée par deux jeunes ingénieurs, l’entreprise revalorise 8 tonnes de matières organiques par mois. De l’idée à sa mise en œuvre, il y a tout un monde, souligne la directrice générale, et c’est justement à cet intervalle que nous devons soutenir l’innovation. Cela a été le cas avec Veragrow, que Crédit Agricole Normandie-Seine a accompagnée en l’intégrant au sein de son accélérateur de startups, le Village by CA Rouen, et par le biais d’une opération de capital-investissement. « Identifier, croire, soutenir, connecter : c’est tout ça, faire émerger l’innovation », ajoute-t-elle.
Innover : un pari long, risqué et parfois coûteux…
Innover selon le secteur demande du temps et de la persévérance. C’est le cas avec les startups industrielles, qui ont des besoins en capitaux élevés pour passer au stade de production. « Pour l’industrie, entre la phase d’idéation et de commercialisation, il peut s’écouler entre 5 et 10 ans… Et c’est là l’intérêt du local, d’avoir un écosystème structuré et une banque régionale impliquée comme la nôtre », rapporte-t-elle. Elle revient sur la success story de GreenBig et de leur b:bot, une machine capable de broyer des bouteilles en plastique et de les transformer pour produire une matière 100 % recyclable avec un système de cashback dans des grands centres commerciaux. Après plusieurs années de développement et de test, la startup s’implante aujourd’hui dans plusieurs pays européens.
L’innovation, vecteur également d’inclusion
L’innovation trouve une part de son inspiration dans les besoins non couverts par les offres ou les dispositifs courants, et c’est souvent le cas pour des personnes en situation de handicap. C’est ce que propose la startup Feelobject avec Virtuoz. Une startup qui permet à des personnes malvoyantes et non-voyantes de se repérer grâce à un traducteur d’espace. « L’innovation peut être un vecteur puissant d’inclusion, avec une capacité à changer des vies », souligne Karine Bourguignon, qui avait été marquée également par les apports de la start-up LILI, qui peut alléger les effets de la dyslexie.
Autre exemple cité, celui de l’association Les Déterminés, soutenue par la banque régionale. « Il faut savoir s’entourer et aller là où nous n’avons pas l’habitude d’aller en tant qu’investisseur. Les Déterminés permettent à des jeunes et moins jeunes, qui n’ont pas toujours les codes, les ressources financières et parfois les bagages, d’innover et de donner vie à leurs projets. Porter des idées et les mettre en œuvre ne doit pas être le privilège d’une élite »
Quand on lui parle de La Fabrique by CA, c’est à Yapla que Karine Bouguignon pense en premier. « Notre rôle de facilitateur est fondamental. En déployant Yapla par exemple, nous voulions faciliter la vie aux gestionnaires d’associations qui sont plus de 2000 à avoir créé un compte chez nous grâce à la solution créée par La Fabrique. Cela répond à un besoin très fort. Rien que cette année, nous avons organisé pour eux plus 30 animations en agence. »
« Innover, c’est semer des idées là où personne ne pensait qu’elles pouvaient germer. C’est faire pousser l’avenir, même sur des terres qu’on croyait déjà connues. C’est tout l’esprit de la Normandie et de notre rôle en tant qu’acteur bancaire. La quasi-totalité des entrepreneurs qui ont osé, ont aussi été salariés. Innover c’est favoriser au sein des grandes entreprises l’essor d’idées nouvelles, à tous les niveaux… » conclue Karine Bourguignon.