24 Mar, 2021 | Article

Linxo : retour sur le pionnier des agrégateurs, avec Bruno Van Haetsdaele

C’est en membre de l’écosystème du Groupe Crédit Agricole que Bruno Van Haetsdaele nous a fait le plaisir d’échanger avec nous sur son expérience chez Linxo, le pionnier des agrégateurs bancaires : au programme, la création de Linxo, ses enjeux techniques et réglementaires ainsi que l’évolution de son modèle économique, pour terminer sur l’impact de son rachat, début 2020, par le Groupe Crédit Agricole.

C’est en membre de l’écosystème du Groupe Crédit Agricole que Bruno Van Haetsdaele nous a fait le plaisir d’échanger avec nous sur son expérience chez Linxo, le pionnier des agrégateurs bancaires : au programme, la création de Linxo, ses enjeux techniques et réglementaires ainsi que l’évolution de son modèle économique, pour terminer sur l’impact de son rachat, début 2020, par le Groupe Crédit Agricole.

Créé en 2010, la mission de Linxo est dès le départ très claire : aider les particuliers à  gérer leurs finances pour réaliser leurs projets personnels et ainsi répondre à leurs attentes/améliorer leur quotidien. Aujourd’hui, Linxo Group s’articule autour d’une solution de gestion financière adressée aux particuliers, via son application mobile Linxo, et des services B2B commercialisés sous la marque Oxlin.

 

Un agrégateur bancaire créé avant l’APIsation des banques

Des défis techniques et réglementaires

Dès sa création, l’enjeu principal de Linxo pour pouvoir proposer des services de gestion financière aux particuliers vise à accéder aux informations financières des utilisateurs finaux. Dans un contexte où les données n’étaient pas encore accessibles via API (car pas de réglementation  de type DSP2 ni  de volonté de la part des banques de mettre à disposition des API externes), la seule solution pour récupérer ces données à l’époque était de mettre en place du web scraping. Le web scraping est une technique d’extraction du contenu de sites Web via de la programmation. Le programme doit notamment naviguer à la manière d’un « humain » sur un site Web pour en lire le contenu. 

Une fois la faisabilité technique du web scraping démontrée, s’est posée la question du réglementaire : est-on autorisé à utiliser des identifiants bancaires de clients, accéder à leurs données ? Est-ce une activité réglementée qui nécessite des autorisations particulières ? Une étude juridique a permis de répondre à ces questions : l’utilisateur du service Linxo pourra se connecter automatiquement à ses comptes bancaires grâce au logiciel fourni par Linxo en mettant en place les mesures de sécurité appropriées et l’activité, en 2010 (NDLR: avant la DSP2), n’est pas réglementée tant que le service n’effectue pas de transaction bancaire. 

 

Des différences de perception entre les banques et des utilisateurs

Dès l’acquisition de ses premiers utilisateurs, le développement de la popularité de Linxo a engendré deux phénomènes simultanés :

  • Une défiance initiale des banques, dont le réflexe a été de mettre en place des freins techniques et d’alerter leurs clients sur le potentiel danger lié à l’utilisation d’une telle application ;
  • Une réaction très positive des clients qui ont plébiscité Linxo et fait part à leur banque de leur volonté de continuer à utiliser le service.

L’engagement des clients de Linxo a permis d’ouvrir le dialogue avec les banques et de développer des relations constructives et un terrain propice à la collaboration.

 

La deuxième directive sur les services de paiements (DSP2)

Adoptée en 2015, soit 5 ans après le lancement de Linxo, cette directive européenne prévoit la possibilité pour les banques de mettre en place des API dites d’open banking (➡️ voir notre article sur le sujet) afin de permettre aux fintechs d’accéder aux données et d’effectuer des opérations.

Si la DSP2 permet en outre de poser un cadre réglementaire et technique aux activités de Linxo, elle s’accompagne aussi de son lot de contraintes : nécessité de ré-implémentation (passage du web scraping à l’interrogation d’API), limitations des capacités des API comparativement au web scraping, parcours utilisateurs plus complexes (authentification à renouveler tous les 90 jours, etc.).

En tant que profil tech au sein de La Fabrique by CA, et avec quelques années de recul sur la DSP2, j’ai pu constater que la qualité des API mises à disposition par les banques était variable et que leur implémentation n’est toujours pas finalisée à date pour tous les acteurs, ce qui implique que le web scraping reste parfois nécessaire dans certains cas.

 

Quel modèle économique pour Linxo ?

Pensée et créée comme une startup B2C, Linxo a développé un grand nombre d’assets technologiques monétisables sur un modèle B2B : agrégation de comptes, initiation de paiement, enrichissement de données.

Parmi les clients B2B, on retrouve notamment des banques, des néo-banques, des solutions comptables, des établissements de crédit qui arrivent à simplifier leurs parcours client, automatiser des traitements et des décisions, ou encore réduire la fraude grâce aux services proposés par Oxlin.

Voici quelques exemples de cas d’usage :

  • Initiation de paiement :
    – Permettre à un client d’une néo-banque d’effectuer le premier virement d’un compte externe vers son nouveau compte bancaire ;
    – Créer des formulaires de paiement par virement, tant sur des sites e-commerces que chez des retailers et commerçants, pour proposer une alternative à l’usage d’une carte bancaire.
    – Payer des salaires ou des factures
  • Enrichissement de données :
    – Automatiser des catégorisations comptables ;
    – Évaluer automatiquement le profil de l’emprunteur pour accélérer le temps de traitement et réduire la fraude et les risques.

 

Quelles synergies entre Linxo et le Groupe Crédit Agricole ?

Gagner du temps sur l’innovation

« La startup vend à un grand groupe une avance de phase pour se positionner sur un domaine innovant », explique Bruno Van Haetsdaele. C’est cette avance de phase qu’il faut mettre en avant dans la relation avec un grand groupe face aux exigences contractuelles, de niveaux de services, et autres pré-requis auxquels la startup ne saura répondre.

La compréhension de ces enjeux par des sponsors de haut niveau est primordiale pour établir une relation durable et c’est avec cette conviction que le Groupe Crédit Agricole a intégré Linxo en 2020.

 

Relever le défi de la volumétrie

L’intégration d’une startup dans un grand groupe peut provoquer de nombreux changements au sein des équipes : risque de dilution de l’esprit entrepreneurial, changement de la typologie de profils attirés via le recrutement, changement de dynamique.

La croissance de Linxo étant déjà amorcée lors de son intégration au Groupe Crédit Agricole (+70 employés), le changement de profils attirés par l’aventure Linxo s’était déjà en partie effectué. L’enjeu a donc été de conserver sa dynamique et sa capacité d’innovation et de production après l’acquisition début 2020, en se positionnant sur des projets toujours aussi innovants et même plus ambitieux qu’auparavant.

Un des premiers enjeux sera notamment de finaliser les chantiers techniques nécessaires à une bonne interconnexion avec les systèmes d’information du Groupe.

 

En parallèle, la combinaison des technologies de Linxo avec la volumétrie de données au sein du Groupe Crédit Agricole ouvre de nombreux projets exploratoires autour de la catégorisation, de l’enrichissement, etc. Affaire à suivre de très près !

 

Qui est Bruno Van Haetsdaele ?

Bruno Van Haetsdaele est co-fondateur et CEO de Linxo Group.

Bruno a co-fondé Linxo Group en 2010 avec la mission d’aider les particuliers à mieux gérer leur argent. Cette mission s’articule aujourd’hui sur deux axes : l’assistant financier intelligent Linxo qui s’adresse directement aux particuliers et Oxlin, établissement de paiement agréé par l’ACPR qui distribue les services et technologies développées par Linxo Group auprès de ses clients BtoB : banques, compagnies d’assurance, fintechs, etc.

Auparavant Bruno a été le co-fondateur et CTO de Wimba, une startup développant des logiciels collaboratifs permettant aux étudiants et aux professeurs de mieux travailler grâce à Internet. Créée en 1999, la société basée initialement en France s’exportera en 2004 aux États-Unis (New-York) où Bruno continuera le développement de l’activité en tant que CTO jusqu’en 2010.

Bruno est diplômé de Telecom Paris Tech (1999) et a effectué des travaux de recherche sur les agents distribués intelligents au Stanford 

Plus qu’un référentiel collectif, qu’une grille de décision, elles sont le phare dans la tempête auquel chaque salarié doit pouvoir s’identifier, se rattacher et se référer au quotidien. C’est un véritable levier d’engagement car il est fondamental que le collaborateur reconnaisse et s’identifie au schéma de valeurs de son entreprise… C’est dans cet environnement qu’il évolue et qu’il passe la majorité de son temps !  

Dans une dynamique de recrutement, les valeurs—au même titre que le process, les retours, les personnes ou encore les études de cas choisies—participent à construire une préférence auprès de profils, pour la plupart très courtisés. Il est donc primordial de bien identifier ses valeurs pour ne pas risquer la fausse promesse et la défection de talents acquis au coût de grands efforts, seulement quelques mois après leur arrivée.

En résumé, il sera utile de penser ses valeurs d’entreprise pour travailler l’engagement des collaborateurs et le sentiment d’appartenance, sa marque employeur et ses convictions, ainsi que le développement des équipes autour d’objectifs communs.

À quel moment et avec qui lancer une réflexion sur les valeurs ? 

Il est important de définir des valeurs assez rapidement à la création d’une entreprise pour rassembler et engager les premières personnes qui rejoignent l’aventure. Il nous paraît par ailleurs normal de les réinterroger à des moments clés de la vie de l’entreprise. Depuis sa création il y a 3 ans, nous avons régulièrement (2 fois pour être précise) réinterrogé nos valeurs au sein de La Fabrique by CA : si ces phases ne remettent pas en question les fondamentaux du schéma de valeurs, elles sont essentielles pour s’adapter au stade de croissance d’une entreprise et à ses ambitions. Il faudra parfois ajuster ou réaffirmer les comportements sous-jacents ou encore enrichir les preuves qui soutiennent chacune des valeurs.

Un exercice d’introspection collective

L’exercice d’identification des valeurs d’entreprise ne doit pas s’inscrire dans une dynamique top-down, au risque de ne pas trouver de pendant dans les comportements, les process, et la vie quotidienne de l’entreprise. Une approche bottom-up des valeurs permet en effet un re-engineering puissant pour mettre le doigt sur ce qui fait sa différence, et construire ensemble sur ces points de force.

Après 3 ans dédiés à la création de fintechs, La Fabrique by CA s’est donc penchée sur ses propres valeurs, dans une dynamique de symétrie des attentions, vitale pour un startup studio : le succès de nos startups est une priorité, et une culture forte et engageante pour le startup studio est un levier supplémentaire pour lancer ces startups avec un socle de valeurs solide, compris et partagé. Pour les collaborateurs de La Fabrique by CA, c’est aussi l’occasion de prendre la main sur la culture du studio, pour parier sur leurs forces et incarner au quotidien le mindset qui les relie sur le long-terme… entre eux, mais aussi avec notre écosystème de partenaires, à commencer par le Groupe Crédit Agricole.

C’est donc en s’appuyant sur une taskforce réduite et représentative des métiers du studio que nous avons commencé par identifier les comportements clés que nous souhaitions poursuivre, encourager ou éliminer, et ceux qui nous caractérisaient au quotidien. Avec ce premier état des lieux, on s’assure de ne pas tomber dans l’écueil de la valeur creuse et non-représentée, voire de la fausse promesse. 

Il est crucial, toujours dans cet exercice d’identification, de ne pas se limiter aux comportements acquis et bien établis, mais aussi d’y intégrer une vision, une transformation, qui permettra aux futures valeurs de ne pas seulement souligner l’existant, mais bien de guider l’entreprise dans son développement. C’est un juste milieu à trouver, qui demande au préalable une vision claire d’où l’on vient, d’où on va, et de comment on souhaite y aller. Lors de cette réflexion, il peut être utile de réfléchir par contraire : « nous encourageons tel type de comportement, en revanche, voici les comportements que nous n’acceptons pas ». 

L’échange avec des ressources clés et représentatives des métiers en présence, avec une implication forte de la direction, permet de trouver cet équilibre entre les forces acquises et celles à développer, qui assurera des valeurs incarnées et motrices.