1,8 milliard d’euros, c’est le montant d’investissement que le gouvernement français a annoncé pour son Plan Quantique de 5 ans en 2021. Selon McKinsey, l’informatique quantique génèrera 1000 milliards de dollars d’ici à 2035.
D’ici-là, les levées de fonds se multiplient. Pasqal, la startup française co-fondée par un physicien médaille d’argent du CNRS et un prix Nobel de physique, a levé 100 millions d’euros en février 2025. Alice & Bob, une autre startup française spécialisée dans l’informatique quantique, avait levé le même montant le mois précédent.
Ce n’est pas parce que l’informatique quantique n’est pas encore une réalité totalement tangible sur le plan technique qu’il ne faut pas s’y préparer.
Pourquoi la quantique excite-t-elle tant les esprits ?
Pour Andrea Le Vot « Il s’agit de la prochaine grande disruption que l’on attend après l’IA. On arrive un peu au bout de ce que l’on peut faire avec l’informatique classique. La quantique aura sans doute des impacts immenses sur nos métiers, mais aussi sur la société dans son ensemble. »
Question rhétorique donc : la quantique sera-t-elle à la hauteur des superlatifs utilisés depuis plusieurs années ? La promesse est en tout cas immense. Depuis ses balbutiements au milieu du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, l’architecture de l’informatique est restée inchangée, basée sur le système binaire composé de 0 et ses 1. L’arrivée de l’informatique quantique promet de bousculer ces fondements en introduisant les qubits (les bits quantiques) qui peuvent être simultanément dans plusieurs états. Basée sur des théories datant des années 1980, les résultats accélèrent depuis la fin des années 2010. Si les discours prédisaient l’arrivée de l’informatique dans un horizon de temps compté en décennies il y a encore peu, certains experts tendent maintenant à réduire ce pronostic à une poignée d’années.
Un Lab Nouveaux Territoires Technologiques pour explorer les technologies de demain
« Je travaille dans le Lab des Nouveaux Territoires Technologiques, explique Andrea Le Vot. On ne regarde pas les innovations qui sont à déployer dès aujourd’hui, mais à un horizon de 3, 5, 10, 15, 20 ans ! » Cette experte de l’Innovation disruptive découvre le sujet alors qu’elle assiste à une conférence sur le sujet il y a trois ans. Férue de data, elle a toujours travaillé sur la meilleure façon de structurer et activer des données, et se passionne donc pour cette nouvelle technologie qui promet, à terme, une puissance de calculs des millions des fois plus important que l’informatique classique.
« Plus je plongeais dans le sujet et plus je découvrais d’autres cas d’usage qui peuvent servir un peu partout dans la banque et dans l’assurance. »
Aujourd’hui, les missions d’Andrea le Vot l’amènent à réaliser des projets d’acculturation, de formation et d’expérimentation autour des enjeux quantiques. Sur ce dernier volet, il pourrait sans doute sembler difficile de réaliser de premières expériences sur une technologie inaboutie, toutefois des entreprises y parviennent grâce à des émulateurs, inspirées de la technologie quantique, qui nous mettent un pied dans ce nouveau monde. Récemment, l’entité CACIB (Crédit Agricole Corporate & Investment Bank) a ainsi lancé une nouvelle expérience avec un algorithme hybride pour optimiser l’allocation de ressources rares et pour la première fois depuis le début de leurs expérimentations en 2019, l’objectif est d’obtenir un véritable ROI.
« On arrive aujourd’hui à avoir une position de leader de l’industrie sur ce sujet, partage Andrea Le Vot. Nous sommes profondément intégrés dans cet écosystème émergeant, en sachant que certains acteurs avec qui l’on travaille vont être des géants de l’IT de demain. »
En parallèle, Andrea est aussi membre de la commission de normalisation quantique de l’Afnor, un moyen de participer activement aux futures normes qui vont régir le domaine.
L’informatique quantique dans la finance
S’il est encore trop tôt pour évaluer la magnitude des changements apportés par la quantique dans l’ensemble des secteurs, le Lab Nouveaux Territoires Technologiques du Crédit Agricole a déjà commencé à cartographier l’ensemble des cas d’usages qui se précisent.
« Dans un premier temps, ce n’est même pas la suprématie quantique, donc le potentiel de résoudre des problèmes complexes qui sont actuellement insurmontables pour les ordinateurs classiques, qui nous intéresse, explique Andrea Le Vot. Le seul fait d’arriver à faire aussi bien permettrait potentiellement un grand bond en avant. En effet, une autre promesse de l’approche quantique est de réduire le coût énergétique et environnemental de l’informatique et un gain substantiel en vitesse de calcul. Ce sont déjà des avantages majeurs pour le quantique. »
La suprématie quantique est pourtant d’un grand intérêt. Elle pourrait permettre d’améliorer les modèles de détection des fraudes, d’optimiser les opérations en banque d’investissement ou l’analyse des risques pour les assureurs.
En attendant de voir cette technologie parvenir à maturité, Andrea Le Vot multiplie les actions d’acculturation spécifiques aux métiers de chaque entité du Groupe. Les ateliers techniques prennent de plus en plus de place dans son agenda pour accompagner la montée en puissance auprès des équipes.
« On y va doucement, lance-t-elle encore. Il ne faut pas être dans la panique ni dans la hype. On progresse sur le sujet au même rythme que la technologie. Et le jour où nous aurons une percée de l’informatique quantique, que ce soit dans cinq, dix ans, ou même demain, nous serons prêts. »
Valentin Pringuay