Pascal Jarry est un adepte des BHAG pour « Big Hairy Audacious Goals » : de bons gros objectifs très audacieux et ambitieux. Dès les débuts de l’aventure Yapla, il s’était ainsi fixé pour mission d’équiper un million d’associations avec sa solution. À cette époque, il n’avait que huit clients. Ce n’était donc pas un objectif très réaliste et il le savait : l’importance de ce BHAG, c’était de donner une orientation. « Les décisions sont faites en fonction du million, explique-t-il. Cela met l’entreprise dans une dynamique très différente. »
Les débuts de Yapla : d’une agence web à un modèle SaaS
L’histoire de ce québécois avait pourtant commencé quelques années plus tôt, en 2007, alors qu’il montait une agence web pour aider les petites et moyennes entreprises à utiliser les technologies informatiques notamment avec la création de sites web transactionnels. « C’était un autre monde, rappelle Pascal Jarry. Facebook commençait à peine. »
Il tombe par hasard dans le monde des associations en signant un premier client dans cet univers, puis un deuxième, un troisième … « J’ai développé une certaine expertise à créer des sites transactionnels pour les associations qui avaient toujours les mêmes besoins : gérer les membres, les dons et les événements. »
Pendant un temps, son agence construisait des sites indépendants pour chaque client qui dupliquaient souvent les mêmes fonctionnalités. Le résultat était donc difficile à maintenir et se heurtait souvent aux limites du budget des associations. L’entrepreneur, qui avait vu l’arrivée du modèle SaaS, commence à imaginer une plateforme entièrement configurable qui pourrait servir l’ensemble de ses clients.
« Le modèle économique était totalement différent. Cela demandait un financement plus important et je ne pouvais pas facturer 50 ou 100 euros par mois une plateforme qui allait me coûter deux millions d’euros à développer. J’ai été voir mes clients de l’époque en leur demandant un budget de 50.000 euros pour l’investir dans une plateforme où j’allais répondre à l’ensemble de leurs besoins spécifiques comme si je faisais un développement sur mesure, sauf que la plateforme serait partagée avec d’autres clients qui mettront aussi 50.000 euros et qui feront en sorte que leurs 50.000 euros bénéficieront aussi aux autres. C’est comme ça que j’ai bootstrapper le projet au début. » C’est de cette manière que la première version de Yapla est créée.
La nouvelle version de Yapla grâce à la Fabrique by CA
Yapla grandit, devient leader au Québec quand Pascal Jarry rencontre Laurent Darmon qui est en train de démarrer La Fabrique by CA et souhaite offrir aux clients associations du Crédit Agricole une plateforme de gestion pour leur faciliter la vie. Les discussions se concrétisent rapidement au travers d’un pilote. Dans la quête de son « Big Hairy Audacious Goal », l’entrepreneur voit un rapprochement comme un moyen évident d’accélérer son impact et de changer d’échelle :
« C’était précieux pour une petite startup inconnue en Europe d’arriver avec un géant de cette taille : capable d’aller former ses conseillers et de la distribuer très largement. J’ai aussi tout de suite senti une forte volonté, une belle synergie avec la Fabrique qui avait une culture très cool avec des gens intelligents. J’ai accepté cette proposition de les voir monter au capital de Yapla. »
Aujourd’hui présent dans 37 caisses du Crédit Agricole, Yapla est déployé dans toute la France avec des retours très positifs. En effet, les associations clientes du Crédit Agricole peuvent utiliser la solution de manière totalement gratuite.
« Tout le monde m’expliquait que c’était difficile d’intégrer une startup à l’intérieur d’un grand groupe. Ils appelaient ça des « tueurs à startups » avec les procédures lourdes, les questions de hiérarchie, etc. Mon expérience est totalement différente puisque la Fabrique a cette agilité, cette culture qui est totalement différente du reste du groupe. Tous leurs engagements ont été respectés et il y a encore de beaux projets à venir. »
L’expansion internationale et la croissance jusqu’au BHAG ?
L’histoire continue donc de s’écrire. L’histoire continue de s’écrire avec le lancement imminent d’une importante campagne sur le marché italien grâce à un partenariat avec Crédit Agricole Italia. « L’expansion internationale est l’une des priorités pour nous aujourd’hui », confirme Pascal Jarry.
Depuis trois ans, Yapla génère 40 % de croissance et équipe 60.000 associations. Le chiffre est encore loin du million affiché comme le grand objectif de l’entreprise, mais s’en approche suffisamment pour laisser entrevoir un avenir où l’utopie n’en serait plus une. « Quand j’ai fixé ce chiffre de un million alors que je n’avais que huit clients, c’était totalement irréel. Maintenant je commence à flirter avec l’idée que l’on pourrait vraiment l’atteindre un jour ».
Pour ce faire, Pascal Jarry regarde aussi comment faire évoluer la plateforme grâce à l’intelligence artificielle : un agent conversationnel serait capable d’accompagner leurs associations clientes dans la gestion de leurs activités au quotidien.
« Je suis aussi enthousiaste à l’idée d’aller vers un modèle bank-as-a-service où l’on pourrait se connecter à la plateforme du Crédit Agricole et se synchroniser aux transactions financières de leur compte pour les rapprocher de celles réalisées dans Yapla. Mais aussi d’ajouter leurs écritures comptables pour pouvoir avoir vraiment un système comptable efficace. »
Yapla est développé par Pascal Jarry et ses équipes depuis près de douze ans. Malgré le chemin parcouru, il y a encore le sentiment que tout reste à faire. L’entrepreneur le confirme avec un sourire : « C’est un projet de vie ».
Valentin Pringuay