20 janvier 2020

La banque face aux défis du digital

1 min

Ecrit par
Laurent Darmon
Laurent Darmon
Directeur Général
Laurent Darmon

Avec le digital, la banque doit réinventer son modèle relationnel qui est au centre de son fonctionnement opérationnel, de sa tarification et surtout de ce que le client attend d'une banque sur le long terme. Engagement et proximité sont des piliers de la revalorisation d'une banque utile à ses clients au-delà des seuls services financiers.

La banque vit sa révolution. On pourrait dire « comme tous les secteurs ». L’ensemble de l’économie se recompose en écosystème avec des gagnants qui parviennent à redéfinir leur offre en se positionnant comme de nouveaux intermédiaires entre les producteurs de services et les clients. Les GAFA et autres plateformes ont ainsi posé les modèles des sites de mise en relation, les stores d’apps ou encore les réseaux sociaux. Ils rassemblent tous, en un endroit, le meilleur car on y trouve - presque - tout classé selon ses besoins.

La banque n’a pas pris ce virage. Car elle affirme déjà offrir le meilleur dans son modèle de banque universelle. C’était effectivement le cas lorsque le conseiller intermédiait la relation banque/client pour personnaliser le service, et que seule une grande banque pouvait assumer les investissements nécessaires dans ce secteur fortement réglementé.

Pourtant le secteur bancaire est désormais ébranlé par deux phénomènes indépendants.

D’une part, la baisse des taux, qui s’est concrétisée jusqu’à proposer des rendements négatifs depuis juillet 2019, a neutralisé un pilier de la banque de détail : la transformation financière. Le métier du banquier est de conserver l’argent des épargnants pour le prêter à des investisseurs. Au passage, la banque touche une marge d’autant plus grande que les épargnants placent à court terme (préférence pour la liquidité) et les emprunteurs à long terme (préférence pour des mensualités basses). En contrepartie, la banque offre quelques services non rémunérés (conseil, chéquier ...). Cela fonctionne tant que les taux de long terme sont nettement supérieurs à ceux du court terme. Or actuellement les taux sont négatifs jusqu’à une échéance d’environ dix ans. Historiquement, le modèle bancaire marche bien car une partie de l’épargne est constituée de dépôts non rémunérés (contrepartie historique du chéquier gratuit) captés à moindre coût par les réseaux bancaires. Lorsqu’emprunter directement sur les marchés financiers devient nettement moins onéreux que de maintenir les coûts d’un réseau bancaire, c’est l’équilibre général de la gestion bilantielle d’une banque qui est remis en cause.

Le digital n’arrange pas les choses puisqu’il devient en théorie possible de faire de la banque sans ces coûts de la banque physique. « en théorie » car les clients sont toujours fortement attachés à la banque de réseau et au contact humain, deux tiers des ouvertures de compte se faisant encore dans une agence. Mais la tendance amorcée par le digital est bien là.

D’autre part, le digital, justement, change la donne avec de nouveaux entrants qui développent une stratégie alternative. Les banques traditionnelles offrent un service complet parfois difficile à maintenir au niveau adéquat de qualité et d’innovation compte-tenu de leur complexité organisationnelle, technique et marketing accumulée au fil des années. Le conseiller de clientèle doit proposer une trentaine de familles de produit qui se déclinent chacune en de multiples produits, offrant eux-mêmes de nombreuses options. Des centaines de combinaisons que la banque doit être en mesure d’offrir en agence et sur le web, mais aussi en web-to-store et store-to-web (complémentarité et hybridation entre le physique et le digital).

Les néobanques ont modifié la donne de deux façons dans leur stratégie « océan bleue » (c’est-à-dire fondée sur la création de nouvel espace stratégique en rupture de la concurrence) :

  • diminuer le prix en réduisant les coûts dans une démarche 100% digitale ;
  • simplifier l’offre à l’essentiel de la banque du quotidien via un ou deux forfaits.

Ces offres ne conviennent pas à tout le monde et les clients devront savoir affronter seuls les aléas de la vie avec ce nouveau type d’acteurs financiers.

Mais en agissant ainsi, les néobanques ont modifié un grand équilibre de la banque de détail en France où le conseil est gratuit car la banque gagne sa vie avec la marge qu’elle génère sur ses produits financiers et crédits. Traditionnellement, la banque relationnelle est donc gratuite car elle est rémunérée via les tarifs de la banque fonctionnelle. Les Néobanques se sont concentrées sur la banque du quotidien proposée à prix serrés. En s’appuyant sur des offres de Bank-as-service et des comptes de paiement, elles parviennent à baisser leur coût de revient à moins de 30€ par an et par compte quand certaines banques en ligne sont à plus de 6 fois plus. Elles peuvent donc être rentables – sur leur stock de clients (sans tenir compte des investissements de croissance) alors que les banques plus anciennes doivent revoir la péréquation de leurs coûts pour proposer une alternative.

Les grandes banques réagissent : LCL et le Crédit Agricole ont lancé respectivement LCL essentiel et Eko (« un compte, une carte et une agence pour 2€ par mois »), une formule depuis copiée par la Caisse d'épargne, la Banque postale et récemment la Société générale. La perspective de taux durablement bas permet aussi à ces néobanques d’envisager de devenir prêteurs non plus en s’adossant à de l’épargne mais en allant sur les marchés financiers où les taux sont … négatifs. Donc à leur avantage. N26, Revolut et Qonto ont fait les démarches pour obtenir un agrément bancaire, et non plus seulement d’établissement de paiement qui les restreint dans la banque du quotidien.

Afin d’expliciter la valeur de son modèle relationnel aux yeux du client, la banque historique doit donc réinventer son utilité et se démarquer en valorisant sa responsabilité et son engagement dans le conseil et ses offres. Avec un réseau d’agences, c’est l’occasion d’approfondir les nouvelles proximités pour passer du coach financier au coach de vie capable d’accompagner ses clients dans les moments difficiles, d’être un acteur actif de la ville, de jouer un rôle d’inclusion en milieu rural ou encore de faciliter l’entrée dans la vie active des jeunes. C’est par exemple le choix d’un Crédit Agricole qui a défini sa nouvelle raison d’être, « agir chaque jour pour être utile à ses clients et à la société », et qui propose désormais des services qui vont au-delà des seuls services financiers : Jesuisentrepreneur.fr (plateforme d’aide à la création d’entreprise) ou encore Yapla.fr (plateforme de gestion pour les associations), des offres construites et distribuées avec le soutien du startup studio La Fabrique by CA.

Pour ça, les banques traditionnelles doivent donc parvenir à adresser des univers hybridant le bancaire et l’extra-bancaire dans des domaines où leurs clients les considèrent légitimes pour jouer ce nouveau rôle. Ce mouvement va faire émerger une banque invisible (intégration des services financiers dans les écosystèmes tiers sous marque de ses partenaires) ou contextuelle (proposer un service financier au moment où le client en a besoin sous sa propre marque ou affiliée). En complément d'un services qui doit être irréprochable.

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