Avant de rejoindre les équipes de la cheffe économiste du groupe Crédit Agricole, Romain Liquard était un banquier d’entreprise.
« J’ai toujours cherché à ouvrir des perspectives pour mes clients, aller chercher le moyen d’innover grâce aux produits financiers. Cela m’a donné une sensibilité particulière à l’innovation. »
Cette particularité va l’amener en 2015 vers ce rôle d’analyste pour le compte d’un cabinet de conseil interne à la banque, composé d’experts sectoriels. Il commence alors sa veille qui va muter deux ans plus tard pour donner naissance aux Fintech Outlook, ces études qu’il publie chaque trimestre.
L’univers bancaire est sa matière première et elle ne cesse de le fasciner : « Si l’on regarde d’un point de vue mondial, la banque ne s’est pas uniquement transformée, elle est en train de muter, de prendre des chemins qui vont au-delà de sa propre transformation. Je trouve que c’est une industrie totalement passionnante et hallucinante à vivre. »
Avec sa publication, Romain apporte un éclairage différent sur l’environnement des fintechs, cherchant à ne pas répéter ce que l’on peut lire ailleurs, en quête d’angles complémentaires pour éclairer le débat.
De l’optimisme pour le marché des fintechs
Il s’agit du premier enseignement de ce nouveau Fintech Outlook : le marché des fintechs montre des signes de sorties de crise. « Il semblerait que les fintechs ont fini de manger leur pain noir. Nous avions connu un effondrement des fonds levés par ces startups, un assèchement des liquidités côté fonds propres, un endettement. La baisse arrive sur un palier. Il semble maintenant que les fintechs sont en train d’atterrir. »
Ce sont ainsi 29,3 milliards de dollars qui ont été levés pendant les neuf derniers mois, avec plus de 2500 opérations. Cette tendance connaît un ralentissement au dernier trimestre, mais pourrait augurer un bon début d’année 2025.
Romain Liquard remarque pourtant que la plus grande partie de ces fonds sont captés par des fintechs américaines. « C’est notamment dû à la grande force de l’écosystème fintech US qui possède une sorte de continuum du financement avec la capacité d’accompagner un projet de sa naissance jusqu’à sa maturité, tout au long du cycle. »
En France, il manquerait à la fois une couche de capital-risqueur institutionnel qui va porter l’écosystème et favoriser la multiplication des créations. Mais, dans un même temps, il manque aussi des locomotives qui prouvent que l’écosystème français peut produire de nouvelles licornes et amorcer cette dynamique positive.
Un manque de données
Romain Liquard passe ses journées à identifier les nouveaux signaux faibles.
Un travail minutieux riche d’enseignements et de questionnements : il est ainsi surpris de découvrir que l’intelligence artificielle n’est pas plus importante dans les nouvelles levées de fonds. De nombreuses fintechs embarquent de l’IA, mais il se serait attendu à ce que davantage de startups se montent spécifiquement pour développer une brique technologique ou des services boostés à l’IA, ce qui n’est pas encore le cas.
Dans un même temps, Romain Liquard est aussi critique sur sa matière première et pointe du doigt le manque de données de qualité sur l’écosystème français. « Le monde anglo-saxon documente beaucoup mieux les données liées à ses levées de fonds que les fintechs françaises, explique-t-il. Cela vient poser un problème puisque l’on peut difficilement faire des comparaisons sur un pied d’égalité. »
Pour 35% des levées réalisées en 2024 en France, le montant n’est pas communiqué. « Il y a évidemment des raisons business, reconnaît-il. Mais de mon point de vue d’analyste, c’est hyper frustrant. On aime notre écosystème français et on voit qu’il se positionne au mieux. Ce serait bien de faire un effort. »
Il y a donc des raisons d’être optimistes, mais il faut encore que le secteur se structure davantage dans son accompagnement, et dans la documentation de sa progression.
Pour découvrir l’ensemble des apprentissages de ce Fintech Outlook, c’est par ici.
Valentin Pringuay