13 avril 2021

Du numérique au digital : une révolution entre les deux

1 min

Ecrit par
Laurent Darmon
Laurent Darmon
Directeur Général
Laurent Darmon

Au-delà d’un débat de linguistes, les défenseurs du "digital" mettent en avant la révolution de l’expérience client face aux tenants du "numérique" qui insistent sur l'évolution du monde informatique.

Il y a un mois la Commission d’enrichissement de la langue française (CELF) a voulu rappeler que le terme « numérique » devait être utilisé à la place de « digital ».

Le digital n’est à priori rien d’autre qu’un anglicisme du mot numérique puisque digital vient de digit, chiffre en anglais (ce qui se compte avec les doigts), quand numérique vient du mot nombre. Les parangons de la langue française défendent donc le terme « numérique » et renvoient le digital en français à ce qui relève des doigts.

Mais force est de constater que l’usage du terme numérique a laissé place à celui de digital. C’est pourtant bien plus qu’un effet de mode.

On a coutume d’assimiler le numérique à ce qui relève d’un traitement informatique. On parle ainsi d’un appareil photo numérique et l’univers des médias et des télécommunications s’est « numérisé ». La CELF, elle-même, désigne le numérique comme « l’ensemble des disciplines scientifiques et techniques, des activités économiques et des pratiques sociétales fondées sur le traitement de la donnée numérique ». Derrière cette définition, c’est une approche purement technique de la transformation des entreprises liée aux nouvelles technologies qui est sous-jacente.

Or, le digital va bien au-delà. La magie des mots renvoie donc le mot digital en français aux doigts de la main. Et c’est bien en cela que le digital d’aujourd’hui se substitue au numérique d’hier. Les objets numériques relevaient d’un traitement informatique qui ne modifiait pas l’expérience utilisateur, mais ils cherchaient à copier des usages existants en les améliorant : une sorte d’évolution incrémentale pour l’utilisateur. Le digital a permis une transformation de rupture des comportements.

Le compact disc de Sony avait numérisé le disque vinyle sans changer les habitudes d’achat et d’écoute. En mettant une discographie illimitée à disposition, Spotify a fait passer la consommation musicale de l’économie de la propriété à l’économie de l’expérience.

Ce lien sémantique du digital au doigt justifie donc qu’il vienne remplacer l’ancien numérique : la nouvelle révolution issue de la technologie implique désormais une interaction avec l’utilisateur qui est devenu acteur, avec son doigt et maintenant avec sa voix, pour personnaliser et enchanter son expérience. Le design d’expérience est d’ailleurs au cœur du succès de tous les géants de la nouvelle économie.

Pour Steve Jobs, « le design n’est pas seulement ce à quoi ça ressemble ; le design est comment ça marche ». Les fans d’Apple se moquent d’ailleurs de la puissance du processeur, mais ils savent que l’expérience des produits de la firme de Cupertino leur simplifie la vie. Quant à Mark Zuckerberg, il étudiait la psychologie à Harvard et ce n’est pas étranger à ce que son trombinoscope (facebook en anglais) se soit imposé par rapport tous ceux qui pré-existaient sur les sites des facs américaines et sur notre Copains d’avant français. Netflix personnalise l’éditorialisation de sa plateforme à chaque utilisateur via un algorithme : en choisissant ce que je regarde aujourd’hui, j’amène Netflix à me suggérer demain un choix spécifique à mon profil alors que de Canal+ propose un catalogue unique pour tous.

À l’inverse, Cisco a vu Zoom lui prendre des parts de marché en ayant trop négligé l’expérience client. Plus près de nous, les taxis G7 se sont contentés de passer leur métier au numérique quand Uber l’a réinventé avec le digital.

Il n’est donc pas étonnant qu’on parle même en France de « transformation digitale ». Depuis une dizaine d’années, c’est l’expérience utilisateur qui est modifiée pour être embellie. Et là, le terme numérique devenait trop étroit : il renvoie trop à l’informatique. Même chez les Anglais, le Chief Digital Officer n’est pas le Chief Technology Officer, ni le Chief Information Officer. Le CDO est le garant du développement des nouveaux parcours clients qui implique de réinventer parfois le métier.

Alors si la CELF cherche réellement à enrichir la langue française, elle doit tenir compte de la réalité du secteur et ne pas confondre informatique et digital dans le numérique, devenu trop étroit. Il y a même là un danger pour les entreprises françaises face aux défis de leur transformation. Un danger de rater la révolution qu’il y a entre le numérique et le digital.

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